mardi 24 février 2015

Synthèse sur le personnage de roman

SYNTHESE SUR LE PERSONNAGE DE ROMAN


Le personnage de roman

      Le personnage est généralement un être de papier, un être de fiction totalement inventé. Il est "fabriqué" par différents éléments du récit : les actions, les paroles, les portraits. Ce n'est pas une personne mais le lecteur feint de croire à son existence: on parle d'illusion romanesque. Le romancier cherche à donner l'illusion du vivant. Le personnage n'est pas construit au hasard, il s'agit d'une construction idéologique et esthétique dans la mesure où il incarne/ reflète les idées, les mœurs, les ambitions d'une époque et d'un auteur. Il est porteur d'une vision de l'homme et du monde, il est porteur de significations. Le roman ne se contente pas de raconter des histoires, il véhicule des valeurs.  Par son ampleur, la multiplication des personnages et des voix narratives il peut donner lieu à des discours multiples, il peut permettre de confronter des discours  contradictoires. On parle alors pour le roman de discours polyphonique. Le personnage principal, souvent confondu avec le héros, est en effet entouré de personnages secondaires auxquels il peut se confronter. Il peut s'agir  de promouvoir une société ou un idéal en place mais aussi de les critiquer ou d'en promouvoir d'autres (ex: Mme de La Fayette, en plein accord avec son personnage, promeut l'idéal classique et condamne la passion, tandis que Zola, à travers Nana, dénonce les travers de la société en cette fin du Second Empire. Dans ce cas, les valeurs des personnages ne coïncident pas avec celles du romancier). Certains personnages opèrent donc comme les porte-parole du romancier. Le romancier recourt pour ce faire à un narrateur. Ce narrateur peut intervenir dans le récit par le biais de commentaires qui approuvent ou désapprouvent les actes du personnage par exemple. Dans ce cas il opère comme un relais entre le romancier et le lecteur (voir Diderot, Jacques le Fataliste). Mais le narrateur peut aussi être très effacé. Il revient alors au lecteur  de déduire le sens, les idées et les valeurs de l'histoire.

     Il faut retenir qu'un personnage a une identité complexe: certaines données sont des traits permanents, qui font que le personnage reste identifiable tout au long du récit; d'autres changent au fil des pages en fonction de l'évolution du personnage. Il est à noter que la fin du roman sanctionne la réussite ou l'échec de sa quête et de ses actes.


La construction du personnage:

Le romancier recourt à différents procédés pour caractériser les personnages et leur donner vie:
- il le dote d'un nom, qui peut faire sens, refléter son origine sociale, son caractère. Les changements de nom ou la surprise ménagée par un nom énigmatique contribuent à l'intérêt narratif.
- il le dote d'une identité physique, morale et sociale. Le portrait mentionne souvent son corps, mais aussi son caractère, ses sentiments et ses pensées qui peuvent transparaître aussi dans des gestes, des mimiques. Il peut également être doté d'un statut (fortune, profession...).
Ces différentes informations peuvent être fournies au lecteur de différentes façons:
- un narrateur présente le personnage. Le recours au point de vue omniscient permet de préciser son portrait, son passé, ses pensées.
- un autre personnage peut aussi s'en charger
- le personnage lui-même peut se faire narrateur ou se dévoiler dans des paroles rapportées au discours direct.
Le romancier peut conjuguer ces trois modes de présentation. Par ailleurs le décor, les objets et les vêtements peuvent apporter des informations indirectes.
Attention! Des romanciers peuvent chercher au contraire à briser l'illusion romanesque (cf. Diderot, Jacques le Fataliste) et à exhiber ces artifices.
Le personnage est un ACTANT et  c'est surtout par ses actions  qu'il prend tout son sens.
  

A propos de la notion de héros

     Dans l'Antiquité le héros est un personnage de fiction que se situe entre l'humain et le divin. C'est un individu hors du commun qui semble doté de qualités et de capacités presque surhumaines. Les héros épiques comme Ulysse agissent au nom de leur peuple et de ses valeurs. Au cours de leur quête, ils affrontent de nombreux obstacles souvent ménagés par les  Dieux. Le personnage de roman  s'est constitué à partir de ces modèles offerts par l'épopée. Le lecteur suit ses actions, pénètre ses pensées, ses réflexions. Parfois le personnage commente ses péripéties, ses actes et ses décisions. Il peut même se faire narrateur de ses propres aventures  ou de celles des autres.

     On retrouve ces caractéristiques chez de nombreux personnages des romans du Moyen âge (le chevalier) et de la Renaissance qui se distinguent par leurs conquêtes amoureuses, leurs exploits et leurs faits d'arme. Le héros évolue dans un monde très idéalisé et fait preuve de courage, de qualités guerrières mais aussi morales et religieuses. On peut mentionner à ce titre le géant Gargantua, doté de qualités et de facultés extraordinaires, qui incarne l'idéal humaniste (Rabelais, Gargantua). Cependant le héros se rapproche progressivement d'une personne réelle, ce qui facilite l'adhésion du lecteur et surtout son identification au personnage. Il permet au lecteur de vivre des aventures par procuration et de s'évader ainsi de son quotidien. Certains comme Arthur ou Lancelot constituent des figures de légende. Le personnage héroïque est un individu d'exception, mais dès le XVIème se profile aussi une catégorie de personnages permettant une représentation plus réaliste des faiblesses de l'homme. Le picaro des romans picaresques par exemple est un gueux qui fraie avec toutes les classes sociales. Il existe également des personnages qui ont pour vocation de susciter le rire et la réflexion (ex : Renart dans le Roman de Renart). On parle alors de veine satirique.

     A partir du XVIIème, notamment avec Don Quichotte, tandis que le roman se diversifie, le héros s'individualise et il est davantage question de destin.  Ces personnages se caractérisent souvent par leurs vertus chrétiennes, même si les romanciers rapportent leurs passions (cf. La Princesse de Clèves). Les récits suivent toujours le schéma actantiel: le héros poursuit une quête et rencontre sur son chemin des adjuvants et des opposants. Mme de La Fayette innove avec le recours à la technique du monologue intérieur qui permet au récit de retracer les états d'âme et les mouvements de conscience du personnage. Ses pensées les plus intimes défilent sans qu'il prenne véritablement la parole. Le roman épistolaire (échange de lettres), qui connaîtra son apogée au XVIIIème, permet également  d'accéder aux pensées et aux sentiments du personnage. Le XVIIème voit ainsi la naissance du roman psychologique.

     Au XVIIIème, le roman se montre apte à assurer sa propre critique. Ainsi Diderot dans Jacques le Fataliste brise l'illusion romanesque, souligne la toute puissance de l'écrivain sur ses personnages et dévoile les ficelles de l'écriture romanesque. Il ne s'agit plus de faire croire à la réalité du personnage mais bien d'apprendre au lecteur à ne plus confondre fiction et réalité. Les personnages sont alors des marionnettes destinées à illustrer une philosophie (pensez aussi à Candide de Voltaire).

Au XIXème, le héros romantique est souvent issu d'une aristocratie déchue (post révolution). Il trouve plus difficilement sa place dans la société et il connaît souvent  des amours difficiles, ce qui le conduit à l'introspection, aux dépens parfois de l'action. Parallèlement se développe un certain goût pour les personnages fantastiques. Le héros réaliste, lui,  a souvent pour ambition fondamentale de se faire un nom dans la société, même s'il doit faire preuve d'opportunisme ou d'hypocrisie (Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, Georges Duroy dans Bel-Ami de Maupassant). Les romans riment souvent avec conquête sociale et l'on parle alors de romans de formation, d'apprentissage ou de romans d'éducation sentimentale. Le héros, fervent défenseur du principe de la liberté individuelle, agit en son nom propre. Il s'agit toujours cependant de HEROS POSITIF.

     L'héroïsme se voit alors progressivement remis en question. On voit apparaitre des antihéros, personnages qui ne maîtrisent plus véritablement leur destin, qui sont prisonniers de leur condition sociale et familiale (cf. Zola et la question du déterminisme et de l'hérédité). Même lorsqu'il demeure positif, le héros est souvent confronté à la lâcheté ou à la banalité. Ceci s'explique par les tourments de l'histoire mais aussi par le développement de la psychanalyse qui a profondément modifié la conception de l'homme. Avec le traumatisme des deux guerres mondiales apparaît un antihéros qui n'agit plus, ne rêve plus, pense peu mais qui constate et commente ce monde malmené.

     Au XXème, le Nouveau Roman considère le personnage comme une "notion périmée". On peut parler de crise du personnage, de déconstruction. Sa caractérisation s'en trouve modifiée: certains n'ont pas de nom, ne sont mêmes pas décrits, n'ont plus de valeurs. C'est au lecteur qu'il revient de construire sa propre image des personnages à partir des quelques indices qui lui sont livrés. Parallèlement, l'intrigue ne domine plus le récit. Toutefois, le roman ne pouvant totalement se passer de lui, le personnage ne disparaît pas mais se voit renouvelé par des approches innovantes comme celles du "flux de conscience" (La Modification de Michel Butor). Plus que les aventures du personnage c'est l'aventure de l'écriture qui intéresse le romancier.

     La conception du personnage de roman a donc évolué au fil des siècles, tout comme ont évolué les interrogations des écrivains sur l'homme et sur son rapport au monde. A partir de la fin du XVIIème, contrairement au théâtre tragique qui convoquent toujours des personnages héroïques, le roman s'ouvre au quotidien, à l'ordinaire et devient par définition le genre de l'antihéros que l'on nomme aussi héros déceptif (par opposition au héros positif), ce qui explique qu'il soit resté longtemps un genre littéraire déconsidéré. Il cherche moins à idéaliser le monde qu'à l'interroger et à en proposer une vision critique.


Qu'est-ce qu'un type ? 
 
     C'est un personnage qui regroupe tous les traits caractéristiques d'un caractère, d'une catégorie de personnes ou d'un groupe social. Le roman réaliste au XIXème fait ainsi du personnage une figure illustrative. Le romancier peint la société et le héros perd toute caractérisation individuelle pour représenter les mœurs du moment (ex: Nana incarne les cocottes du XIXème). Le lecteur peut ainsi mieux appréhender le fonctionnement des hommes et de la société. Par souci de réalisme, le romancier cherche à peindre aussi le banal, le quotidien (scène de repas, description des milieux ouvriers et des artisans). Le peuple fait sa véritable entrée en littérature. Le naturalisme, et tout particulièrement Zola, use du personnage comme d'un outil de démonstration scientifique. Il s'agit de faire la preuve du déterminisme et de l'atavisme.


Les topoi romanesques:

     Le roman s'est toujours plus ou moins efforcé de représenter la réalité (qu'il l'idéalise ou non). Il s'agit de restituer un milieu, une époque, les mœurs d'un groupe social, des individualités.  On retrouve donc le personnage dans des scènes de la vie courante: scènes de repas, scènes de rencontre, qui constituent des topoi romanesques (passages obligés, lieux communs). Les scènes de rencontre opèrent comme des temps forts de l'intrigue, tandis  que les repas constituent souvent des pauses propices au dévoilement des pensées des personnages. Ces différentes scènes ont souvent une dimension symbolique.