En
attendant Godot, de
Samuel Beckett
ESTRAGON.
– […] Allons-nous en.
VLADIMIR.
– On ne peut pas.
ESTRAGON.
– Pourquoi?
Résumé de la pièce
VLADIMIR.
– On attend Godot.1
Résumé de la pièce
Deux
curieux personnages à l’allure de clochards, Vladimir et
Estragon, se rencontrent dans un lieu imprécis, au pied d’un
arbre squelettique. Leur but : attendre Godot, un énigmatique
personnage dont on se saura jamais rien. Ils ne savent pas quand
il viendra, ni même s’il viendra vraiment. Ils ignorent si
l’arbre sous lequel ils attendent est le bon, si le jour est
celui du rendez-vous. Ils sont simplement convaincus qu’ils
doivent attendre. Pour passer le temps, ils dialoguent sans but
précis. Faisant diversion dans cette attente intolérable, un
couple survient : Pozzo et Lucky. Ce dernier, harnaché au cou,
porte les bagages de l’autre, qui le conduit au fouet. Après
leur départ, le temps passe toujours, jusqu’à ce qu’un
jeune garçon vienne annoncer à Vladimir et Estragon que Godot
ne viendra pas. Les deux compagnons décident de se séparer et
de partir, mais ils ne bougent pas. Fin du premier acte. Le
deuxième acte reproduira essentiellement le même schéma.
C’est
entre le 9 octobre 1948 et le 29 janvier 19492,
donc assez rapidement, que Samuel Beckett a rédigé En attendant
Godot. Après avoir été longtemps répétée, après plusieurs
refus, la pièce est représentée pour la première fois le 3
janvier 1953. Roger Blin en assure la mise en scène au petit Théâtre
de Babylone. C’est d’abord un succès de scandale. Applaudie par
une classe intellectuelle avide de nouveauté, condamnée par un
public parisien qui n’y comprend rien, la pièce suscite des
passions contradictoires. Mais peu importe ce qu’on en dit, Beckett
est devenu célèbre. Depuis, la pièce a été acclamée dans le
monde entier et traduite dans une vingtaine de langues.
En
attendant Godot est une pièce sur la vacuité, le vide de
l’existence, l’absurdité de la condition humaine. Attendre
Godot, c’est espérer que le monde va changer tout en étant
conscient que cet espoir est ridicule.
Qui
est Godot ?
Beckett
a toujours refusé les interprétations de ses œuvres. Et pourtant,
s’il est une œuvre qui a subi les analyses de toutes sortes,
parfois abusives, c’est bien En attendant Godot. On a prêté
bien des visages à Godot, personnage absent mais central. Toute
l’action dramatique est construite autour de lui. Quelques indices
dans le texte nous le présentent comme un homme d’affaires, qui a
une famille, un cheval, un compte en banque, une barbe blanche. Il
crie et semble brutal : il bat le frère du jeune garçon qui
apparaît à la fin des deux actes. On a souvent associé Godot à
Dieu. Le nom même serait une dérivation de l’anglais God.
Comme Dieu, Godot est mystérieux, caché, inaccessible. De plus,
dans le texte, on fait souvent allusion à la religion. Selon
l’interprétation théologique, la pièce serait à lire comme
la tragédie d’une humanité déchue qui attend désespérément la
venue d’un Sauveur. Et seul le rétablissement d’un lien avec
la divinité peut donner un sens à la vie de l’homme. C’est ce
qu’espèrent Vladimir et Estragon.
Même
s’il est vrai que la figure de Dieu peut être suscitée par le
texte, cette interprétation demeure réductrice. D’ailleurs,
Beckett a toujours nié cette association quand on le questionnait
sur le sens de l’oeuvre : «si Godot était Dieu, je l’aurais
appelé par ce nom »3.
Dans les faits, il ne faut voir en Godot qu’une figure imaginaire
qui symbolise tout ce qui pourrait venir donner un sens à une
existence absurde. Bref, Godot incarne ce que chacun attend et qui ne
vient jamais. Savoir qui est Godot précisément n’est d’ailleurs
pas ce qui importe dans cette œuvre. Beckett lui-même semble n’en
avoir aucune idée : « Si je savais qui était Godot, je l’aurais
dit dans la pièce »4
C’est l’effet de l’absence de Godot qui doit retenir
l’attention beaucoup plus que son identité.
La
condition humaine
Rappelons-nous
que la pièce a été écrite à la fin des années 1940, au
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, en Europe. Le monde est
détraqué. L’humanité est désabusée, a perdu ses repères.
On cherche un sens à l’existence. C’est donc le tragique de la
condition humaine que représente En attendant Godot.
Beckett
place le spectateur face à lui-même, au vide de son existence, au
néant. Comme Vladimir et Estragon, l’être humain attend une
délivrance, cherche un sens à la vie. Mais en attendant il souffre,
passe le temps en conversations creuses, il joue. Son
quotidien est traversé de rencontres et de divertissements
insatisfaisants. Le rire et l’humour sont importants dans le texte
de Beckett. La condition humaine est ici tournée en dérision. Ce
rire de la dérision permet de supporter la désespérance de l’homme
qui attend un quelconque événement donnant sens à son existence.
Mais c’est aussi un rire amer qui met en relief l’écart entre ce
que l’homme espérait obtenir de la vie et ce qu’il en obtient,
entre ses rêves et la réalité.
Dans
ce contexte, Godot devient « celui qui répond à l’absence de
communication, il serait le bonheur de vivre, l’espoir, le désir,
l’amitié, la fin de la solitude, la possible rédemption de nos
péchés, la possibilité de calmer nos angoisses face à la finitude
»5
Parler
pour ne rien dire
La
parole dans En attendant Godot n’est là que
pour combler le vide. Vladimir et Estragon, confrontés au néant,
parlent pour se donner l’impression d’exister. Ils n’ont rien
d’autre à faire que dialoguer, même si ce dialogue ne les mène
nulle part. Le silence devient alors une menace, puisqu’il
rappelle le néant. Il faut donc à tout prix l’éviter, peu
importe ce qu’on dit :
Long
silence
VLADIMIR.
– Dis quelque chose!
ESTRAGON.
– Je cherche
Long
silence
VLADIMIR
(angoissé). – Dis n’importe quoi !6
Même
si parler est devenu la préoccupation essentielle des personnages,
il y a absence de réelle communication. Les protagonistes
semblent souvent indifférents aux propos de l’autre. C’est comme
si on était en présence de deux solitudes qui vivent dans des
univers parallèles. Les nombreuses didascalies qui ponctuent les
courtes répliques par des silences et des temps accentuent la
distance dans les échanges. D’ailleurs, le silence est aussi
important que la parole dans l’écriture de Beckett. Il en est
de même des malentendus, de l’ambiguïté de certains propos.
Cette incommunicabilité pose une question troublante : « […] si
l’échange entre les individus ne sert qu’à combler le vide
existentiel, à quoi peut bien servir l’existence elle-même? Plus
essentiellement, à quoi peut donc bien servir la compagnie d’autrui?
»7
Une
histoire de couples
En
attendant Godot est une pièce de couples. Les rapports qui
unissent les personnages sont plus importants que les caractères
individuels. Les deux duos de la pièce, par l’interdépendance
qui les définit, rappellent des tandems célèbres, comme Don
Quichotte et Sancho Pança, Sganarelle et Don Juan. Ils ont aussi les
caractéristiques des duos de clowns comiques. D’ailleurs,
les chutes, les fuites, les maladresses, les objets ridicules
appartiennent à l’art clownesque. Les personnages eux-mêmes se
jouent la comédie pour passer le temps :
VLADIMIR.
– On pourrait jouer à Pozzo et Lucky.
ESTRAGON.
– Connais pas.
VLADIMIR.
– Moi je ferai Lucky, toi tu feras Pozzo. […]8
Vladimir
est le moteur du premier tandem. Il est l’élément dynamique,
optimiste, discipliné. Il a les idées, il a une culture (biblique
notamment). Estragon est plutôt l’homme de l’instinct, du doute,
du désespoir. Il est le pessimiste, le passif, l’impulsif. Il
mange, il dort, il a mal aux pieds. Il pense au suicide pour essayer
d’en finir. Ce qui caractérise leur relation, c’est qu’ils
sont inséparables tout en manifestant le désir de se séparer.
Mais la nécessité de rester ensemble dans un monde en déchéance
l’emporte. Sans la présence de l’autre, la vie perd toute
signification :
ESTRAGON.
– On se débrouille pas trop mal, hein, Didi, tous les deux
ensemble?
VLADIMIR.
– Mais oui, mais oui. Allez, on va essayer la gauche d’abord [la
chaussure gauche].
ESTRAGON.
– On trouve toujours quelque chose, hein Didi, pour nous donner
l’impression d’exister. 9
Un
deuxième duo vient en quelque sorte « divertir » Didi et Gogo dans
leur attente interminable. Le couple Pozzo-Lucky repose sur la
domination et la violence. Les deux personnages entretiennent une
relation maître-esclave, dominant-dominé, à la limite sado-maso.
Pozzo est le maître, content de lui, vaniteux, cruel. Mais au fond
c’est un misérable, cardiaque, puis aveugle et impotent dans le
deuxième acte. Lucky est le serviteur soumis, le porteur pitoyable.
Il obéit et souffre en silence, mais est satisfait de sa condition.
Il est « chanceux » (en anglais « lucky ») puisque, contrairement
aux autres, il n’a pas à chercher comment passer le temps : Pozzo
lui dit quoi faire et il le fait. Il n’espère plus rien. La
cruauté qui caractérise la relation entre Pozzo et Lucky leur
rappelle qu’ils existent. La dépendance est donc réciproque : le
bourreau a besoin de sa victime et vice versa. On a souvent dit que
le duo symbolisait les rapports de domination dans un monde déchu,
où violence et dépendance se marient facilement. Ou encore le cruel
destin de l’homme, déchiré entre la raison et la volonté,
l’instinct et la pensée.
Un
dénuement matériel
«
Route à la campagne, avec arbre. Soir. » Ce sont les
indications que Beckett donne au début du texte pour situer la
scène. Donc un espace très peu défini, un temps indéterminé.
Aucun repère géographique, politique, historique. Beckett propose
délibérément un univers dépouillé pour représenter
l’absence, le vide, le néant, encore une fois. Ce vide
scénique est d’ailleurs angoissant pour Vladimir et Estragon, qui
ne savent jamais s’ils sont au bon endroit pour rencontrer Godot.
Sans référence spatiale, les personnages sont condamnés à
l’errance. L’espace se réduit à un point fixe : l’arbre, le
lieu du rendez-vous. Cet arbre est rabougri, dénudé au premier
acte. Mais deux ou trois feuilles apparaissent au deuxième acte. Le
temps s’est-il écoulé entre les deux rendez-vous? Y a-t-il eu un
changement de saison? Ces feuilles sont-elles un signe d’espoir? Ou
signifient-elles tout simplement le recommencement éternel de la
vie? C’est peut-être un peu tout ça à la fois. Mais ne comptons
pas sur Beckett pour nous répondre!
Une
structure géométrique
Malgré
une anarchie apparente dans le propos, la pièce est construite avec
une rigueur peu commune. Sa structure est à la fois répétitive
et circulaire. On parlera de circularité dans la mesure où la fin
des deux actes, donc la fin de la pièce elle-même, semble nous
ramener au commencement. On imagine aisément la même scène se
reproduisant jour après jour. L’impossibilité de se sortir de
l’attente, du néant se manifeste donc dans la structure même de
la pièce. Les deux actes suivent un plan quasi identique :
retrouvailles de Vladimir et Estragon, venue de Pozzo et Lucky,
message final du garçon et décision de partir. Un système de
répétitions internes de phrases, de thèmes, de situations vient
renforcer cette structure. Toutefois, le deuxième acte présente
quelques éléments nouveaux : quelques feuilles apparaissent dans
l’arbre, le tandem Pozzo et Lucky est passablement transformé. La
répétition dans la structure n’est donc pas un retour absolu à
la case départ. Mais il demeure que le dénouement conventionnel du
texte dramatique classique est désamorcé. De cette manière, on
devine que Beckett rompt avec la dramaturgie qui le précédait.
VLADIMIR.
– Alors, on y va?
ESTRAGON.
– Allons-y.
Ils
ne bougent pas.
RIDEAU10
SAMUEL
BECKETT
Le
succès ou l’échec, au niveau du public, n’ont jamais eu
beaucoup d’importance pour moi; en fait, c’est dans l’échec
que je me sens le plus à l’aise, ayant respiré profondément son
air vivifiant au cours de toute ma vie d’attente, jusqu’à ces
dernières années… 11
Samuel
Beckett (11 janvier 1956)
Samuel
Beckett est né le Vendredi saint 13 avril 1906 dans une banlieue de
Dublin, dans une famille protestante très austère et relativement
aisée. Il reçoit une éducation normale, d’abord à l’Earlsfort
House School, un externat pour garçons, puis à l’âge de 13 ans à
la Portora Royal School en Irlande du Nord. Dans cette école
disciplinée et sévère, il se distingue surtout dans les sports. On
lui prédit une carrière de haut fonctionnaire, d’homme politique
ou d’homme d’affaires. À cette époque, on disait déjà de lui
qu’il était « replié sur lui-même et parfois lunatique; mais il
avait un sens aigu du ridicule […] »12
De
1923 à 1927, il fait des études en français, en italien et en
anglais au Trinity College. Il commence alors à fréquenter les
milieux artistiques et littéraires où il se fait connaître. Il va
au théâtre, se fascine pour Pirandello, lit Dante et se laisse
impressionner par les films de Chaplin, de Laurel et Hardy et des
Marx Brothers. Il amorce son premier long séjour en France en 1928.
Pendant deux ans, il sera lecteur d’anglais à l’École normale
supérieure de Paris. Il fait la connaissance de James Joyce, grand
romancier irlandais, auteur de Ulysse, pour qui il a une
grande admiration. Il assiste Joyce dans ses travaux de diverses
façons. Durant cette période, il compose Whoroscope, un
poème qui sera sa première œuvre à être éditée.
Il
retourne en Irlande en 1930 où il assume la fonction de professeur
assistant au Trinity College. L’année suivante, il publie un
important essai sur Proust, auteur français de À la recherche du
temps perdu. Il retourne à Paris en 1932. La mort de son père
le ramène dans sa patrie natale en 1933. Puis il fait un séjour à
Londres avant de voyager en Europe, notamment en Allemagne où il
développe une antipathie pour les nazis. L’Allemagne de l’époque
le démoralise. Pendant ces années, il publie quelques essais,
poèmes, nouvelles qui ne connaîtront pas un grand succès. Il
travaille aussi à son premier roman : Murphy. Il mène une
existence de bohème, ennuis de santé et difficultés financières
font partie de son quotidien. Il envisage la possibilité de changer
de carrière :
« Je
crois que mon prochain dada, ça sera l’aviation. […] Je n’ai
pas envie de passer le restant de mes jours à écrire des livres que
personne ne lira. » 13
En
1937, il s’installe définitivement à Paris. Au début de l’année
suivante, survient un événement malheureux : il est poignardé sur
la rue par un proxénète. Ayant appris la nouvelle dans les
journaux, Suzanne Deschevaux-Dumesnil, une amie qu’il avait connue
à l’École Normale, vient lui rendre visite à l’hôpital où il
est soigné. Elle ne quittera plus Samuel Beckett. C’est d’ailleurs
elle qui agira comme agente littéraire pour son compagnon de vie.
Après sa guérison, Beckett ira rencontrer son
agresseur
en prison pour lui demander pourquoi il l’a poignardé. Celui-ci
répondra tout bonnement : « Je ne sais pas, Monsieur ». On pourra
reconnaître cette réplique dans nombre de ses pièces.
Peu
de temps après son agression, Murphy est enfin publié, mais
ne rencontre aucun succès public. Puis la guerre éclate. Il est en
visite auprès de sa mère en Irlande, mais il « préfère la France
en guerre à l’Irlande en paix ». Il rejoint donc la France et
s’engage dans un réseau de résistance non pour des raisons
politiques – toute sa vie Beckett aura eu un comportement
apolitique – mais parce qu’il était indigné par le traitement
que les nazis infligeaient aux Juifs et aux Français :
« Je
combattais contre les Allemands qui faisaient de la vie un enfer pour
mes amis; je ne combattais pas pour la nation française. »14
Après
avoir échappé de justesse à une arrestation, il se réfugie en
zone libre, dans une ferme du Roussillon en Vaucluse (dans le
sud-ouest de la France). Il y travaille comme ouvrier agricole et
rédige son dernier roman en langue anglaise : Watt. Publié
en 1942, ce roman fait apparaître pour la première fois un
personnage de clochard. Plus tard, en 1946, dans Mercier et
Camier, on verra le premier couple d’errants. Les éléments
pour l’écriture de En attendant Godot sont en place.
À
la fin de la guerre, Beckett retourne à Paris. Entre 1946 et 1948,
il vit dans des conditions matérielles précaires, mais il entre
dans une importante phase de créativité qu’il nomme « le siège
dans la chambre ». Il prend également un virage linguistique : il
décide d’écrire en français. Désormais, il traduira ses propres
œuvres et n’écrira que très rarement ses manuscrits dans sa
langue maternelle. Durant cette période, il écrit trois nouvelles,
trois romans et ses deux premières pièces dont En attendant
Godot, entre octobre 1948 et janvier 1949.
« Je
me suis mis à écrire des pièces pour me sortir de la dépression
noire où me plongeait le roman. Ma vie à cette époque était trop
éprouvante, trop affreuse; je pensais que le théâtre ferait
diversion. »15
C’est
Suzanne qui se charge de trouver les maisons d’édition pour ses
romans et les théâtres pour ses pièces. Beckett, lui, termine
l’écriture de L’innommable qui, avec Molloy et
Malone meurt, complète une trilogie romanesque dans laquelle
se trouvent l’essentiel des thèmes apparaissant dans En
attendant Godot. En effet, les personnages sont réduits à leur
plus simple expression et en quête d’une signification de
l’existence. Et le tout est abordé avec le rire.
En
1953, En attendant Godot est représenté devant le public de
Paris. Samuel Beckett devient un auteur célèbre et reconnu. Quatre
ans plus tard, son succès est confirmé avec Fin de partie et
ne sera plus jamais démenti. À partir de 1956, il opère un retour
à l’anglais, dans lequel il publiera la plupart de ses nouvelle
pièces : Krapp’s last tape (La Dernière Bande,
1958), Happy Days (Oh ! les beaux jours, 1960), Come
and go (Va-et-vient, 1965). Par contre, il continue
d’écrire des récits et des romans en français.
Beckett
s’est aussi illustré à la radio, à la télévision, au cinéma.
Il a écrit des pièces radiophoniques, une œuvre télévisuelle et,
en 1964, un scénario pour le cinéma, Film, dont le rôle
principal était interprété par Buster Keaton. En 1969, Beckett se
voit décerner le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre. Mais il refuse de se rendre à Stockholm pour le recevoir.
Par la suite, ses textes se feront de plus en plus rares et de plus
en plus courts. Il vit en réclusion les dernières années de sa
vie. Suzanne meurt le 17 juillet 1989. Il la suivra quelques mois
plus tard, le 22 décembre 1989.
Toute
sa vie il aura eu en horreur que l’on s’intéresse à sa
personne. De cet exilé volontaire, ayant connu la précarité
matérielle et physique une bonne partie de son existence, de ce
tourmenté, il ne faudrait retenir que son travail. Il considère que
sa vie est terne et sans intérêt. Pour lui, « l’oeuvre seule
importe », comme il n’a cessé de le répéter :
«
Autrement, je n’aurais pas pu. Continuer, je veux dire. Je n’aurais
pu traverser cet affreux et lamentable gâchis qu’est la vie sans
laisser une tache sur le silence. »16
1
Samuel Beckett, En attendant Godot, Paris, Les Éditions de
Minuit, 1952, p. 16.
2
Dates
apparaissant sur le manuscrit original.
3
Citation de Samuel Beckett tirée de Deirdre Bair, Samuel
Beckett. Fayard, 1979, p. 348.
4
Ibid, p.348.
5
Jean-Philippe Miraux, En attendant Godot, Paris, Bordas,
collection L’œuvre au clair, 2004, p.54.
6
Samuel Beckett, op. cit., p. 88.
7
Jean-Philippe Miraux, op. cit., p. 72.
8
Samuel Beckett, op. cit., p. 102.
9
Samuel Beckett, op. cit., p. 97.
10
Samuel Beckett, op. cit., p. 134.
11
Extrait d’une correspondance avec Alan Schneider, metteur en scène
new-yorkais, reproduit dans : Pierre Mélèse, Beckett,
Paris, Éditions Seghers, collection Théâtre de tous les temps,
1966, p. 141.
12
Propos d’un ancien camarade de dortoir, reproduit dans Deirdre
Bair, op. cit., p. 40.
13
Extrait d’un lettre à Thomas McGreevy, 13 mai 1933, reproduite
dans Deirdre Bair, op. cit., p. 218.
14
Cité dans Deirdre Bair, op. cit., p. 282.
15
Commentaire de Beckett en 1972, cité dans Deirdre Bair, op. cit.,
p. 282.
16
Commentaire de Beckett, cité dans Deirdre Bair, op. cit., p. 569.