samedi 28 février 2015

La spécificité du texte de théâtre

LA SPÉCIFICITÉ DU TEXTE DE THÉÂTRE

    L’œuvre théâtrale est particulière parce qu'elle laisse le lecteur imaginer les personnages et les décors, car contrairement au roman, elle privilégie le dialogue des personnages. Il n'y a pas de narrateur et l'auteur ne peut pas intervenir directement, c'est pourquoi il s'exprime à travers un personnage.


1. Un texte "troué"

    Le texte de théâtre se caractérise par ses manques. Dans Le Misanthrope, on ne sait rien de l'apparence ni de l'âge d'Alceste. Ces manques ne constituent pas une faiblesse du texte mais au contraire en font sa richesse et permettent l'interprétation : 

"l'incomplétude du texte oblige le metteur en scène à prendre un parti" (Anne Ubersfeld), 

à présenter sa vision des personnages.
    Cette incomplétude est réduite par les didascalies. Ce discours, qui n'est pas à dire mais à appliquer, indique la liste des personnages, demande un jeu de scène, un geste, un ton, un silence. Elles sont rares dans le théâtre classique mais abondantes dans le théâtre contemporain, ce qui rapproche davantage le théâtre du roman.


2. Une double énonciation

    Le texte de théâtre instaure une double situation de communication : le dialogue des personnages est adressé de l'auteur au lecteur mais aussi des comédiens au spectateur.


3. Le dit et l'écrit

    Selon Pierre Larthomas, le texte de théâtre est 

"un compromis entre le dit et l'écrit".

Il doit faire oublier qu'il est un texte pour donner l'illusion d'une parole improvisée et vivante, avec tous les défauts du langage quotidien. Le langage de Molière se comprend par sa destination orale : interjections, pronoms personnels disjoints (moi, toi), les tournures expressives, parfois les jurons répondent à ce souci d'oralité.
    Même les alexandrins (qui permettent la mémorisation du texte par les comédiens) simulent, certes artificiellement, un flot naturel de paroles et ne doivent pas paraître trop fabriquées ou trop poétiques. "Pas de beau vers !" rappelle Hugo dans la Préface de Cromwell

"Ce sont en effet les beaux vers qui tuent les belles pièces." 

Ils font trop entendre la voix de l'auteur, ils privilégient le plaisir lyrique par rapport au plaisir dramatique.
    Le dialogue de théâtre exclut aussi, en général, les ratés de la conversation ordinaire, les brouillages, les silences prolongés. Le théâtre contemporain, lui, use volontiers de différentes formes de brouillage. Dans les pièces de Beckett et Ionesco, on trouve des didascalies comme "Un temps", "Silence", qui suscitent une atmosphère à la fois angoissante et comique.