samedi 28 février 2015

Histoire de la poésie : 1. La poésie du Moyen Âge et du XVIe siècle




HISTOIRE DE LA POÉSIE


     La poésie obéit à des définitions multiples et problématiques. Ce qu'on appelle poésie varie selon les époques. Une approche historique permet de voir les acceptions différentes de la "poésie'.
    Au Moyen Âge, la poésie est artisanale et chantée : elle est l'art des troubadours, puis des trouvères. Au XVIe siècle, la poésie devient un langage sacré et magnifié - notamment sous l'influence de la Pléiade. Puis la poésie trouve des règles qui la codifient, en particulier avec Malherbe au XVIIe siècle. Elle devient un jeu de salon, parfois une mise en forme des idées comme la poésie didactique au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, la poésie romantique rompt avec cette conception pour retremper la poésie aux sources de l'émotion, de l'imaginaire et du chant. La poésie moderne hérite de cette conception et la modifie, elle cherche à trouver un langage neuf et invente des formes nouvelles : vers libre, poème en prose. Au XXe siècle, la poésie française, après le surréalisme, multiplie les formes nouvelles, comme si la poésie devait se réinventer chaque fois dans chaque poème.
    Schématiquement, la poésie, originellement usage très réglé de la langue (importance du vers, du rythme), s'est orientée vers un usage souvent déréglé de la langue dans la poésie moderne et contemporaine.


 La poésie du Moyen Âge et du XVIe siècle


1. Les origines de la poésie française

    Les chansons de gestes ou récits héroïques sont nos premiers poèmes. Composés de "laisses", couplets de décasyllabes, et présentant une simple assonance en fin de vers, elles étaient chantées par des troubadours ou trouvères. Elles illustrent la poésie épique en célébrant les exploits de Charlemagne : Chanson de Roland (XIe siècle), Huon de Bordeaux, Charroi de Nîmes (XIIe siècle)... A cette tradition peuvent être rattachées quelques épopées ultérieures telles que La Franciade (Ronsard, 1572), et La Henriade (Voltaire, 1728). 
    Les premières voix lyriques se font entendre peu après. Cette poésie gagne le nord de la France et devient la poésie des trouvères. Le lyrisme se développe alors de Rutebeuf à Villon. 
 
François Villon
  

■  Rutebeuf (XIIIe) associe ainsi la plainte et l'ironie :
                                    Pauvre sens [esprit] et pauvre mémoire
                                    M'a donné Dieu, le roi de la gloire
                                                      et pauvre rente,
  
François Villon (1431-1463) est notre premier poète moderne : (Les Testaments, Ballade des pendus, Ballade des dames du temps jadis) :
                                    Hé Dieu ! si j'eusse étudié
                                    Au temps de ma jeunesse folle
                                    Et à bonnes mÅ“urs dédié
                                    J'aurais maison et couche molle
       A la fin du siècle, la poésie des Grands Rhétoriqueurs joue davantage des ressources du langage.

    Au XVIe siècle s'épanouit d'abord la poésie de cour avec Marguerite de Navarre (L'Heptaméron), galante sans pruderie, et Clément Marot (Epîtres, Ballades, Rondeaux), épicurien et malicieux. Clément Marot est habile dans les jeux savants mais fait aussi entendre, comme Villon, une voix personnelle et invente des formes poétiques nouvelles. Louise Labé (1524-1566) affirme dans ses Sonnets le droit des femmes d'aimer et d'y prendre du plaisir :
                                      Tout à un coup je ris et je larmoye
                                      Et en plaisir maint grief tourment j'endure
                                      Mon bien s'en va, et a jamais il dure
                                      Tout en un coup je seiche et je verdoye.

    Agrippa d'Aubigné, obsédé par la mort et par la foi, compose une épopée, Les Tragiques, qui dénonce longuement les horreurs des guerres de religion - imputées aux catholiques - avant d'évoquer l'espoir d'une résurrection céleste et cosmique. Il signe sans doute l'un des premiers engagements politiques :
                                      Je dispense, dit-il, du droit contre le droit ;
                                      Celui que j'ai donné, quand le Ciel le voudroit,
                                      Ne peut être sauvé ; j'autorise le vice,
                                      Je fais le fait non fait, de justice injustice.

2. La Pléiade et la naissance de la poésie moderne


    Admirateurs du poète grec Pindare, des poètes latins Horace, Virgile, Ovide, et des poètes italiens alors à la mode (Dante, Pétrarque), Ronsard (1524-1585), Du Bellay (1522-1560) et quelques autres constituent un cénacle : la Pléiade et se donnent pour mission de rendre la langue française propre à l'expression artistique.
    Ils l'épurent d'archaïsmes, d'emprunts aux dialectes régionaux, de termes de métiers, préconisent la création de mots nouveaux, de métaphores, de périphrases, pratiquent une prosodie plus rigoureuse et annoncent le Classicisme en se mettant à l'école des Anciens (Du Bellay, Défense et illustration de la langue française, 1549)
    Les Regrets (Du Bellay, 1558) et Les Amours (Ronsard, 1552-1556) célèbrent, en référence à la mythologie, les thèmes lyriques qui nourriront désormais la poésie : sentiment de la nature, passion amoureuse, fuite du temps... :
                                     
    
                                         Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame
                                         Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons
                                         Et tôt serons étendus sous la lame ;
                                         Et des amours desquelles nous parlons
                                         Quand nous serons morts, n'en sera plus nouvelle ;
                                         Pour ce aimez-moi cependant qu'être belle.
                                                                   (Ronsard, Imité de Marulle, 1571)




Sources : Manuel d'analyse des textes, Histoire littéraire et poétique, J. et M. Vassevière, R. Lancrey-Javal, L. Vigier, Armand Colin ; Le Commentaire littéraire et l'explication de texte, Jean Glorieux, Ellipses